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Les alliés de Cactus : Paul Chemetov

Association Cactus

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Suite à la grande réunion publique du 7 novembre 2000, Paul Chemetov, urbaniste et architecte de renommée internationale a écrit au vice-président du Conseil Général des Ponts.

Dans sa lettre, il dénonce les partis pris de l'expertise et en appelle à une nouvelle concertation sur la totalité des questions en cause.

Ci-après, la reproduction intégrale de cette lettre.

Paris, le 21 novembre 2000

Monsieur Georges MERCADAL
Vice-Président
CONSEIL GÉNÉRAL DES PONTS ET CHAUSSÉES
Tour Pascal B
La Défense
92 055 LA DÉFENSE CEDEX

Cher Georges Mercadal,

J'ai eu communication du rapport d'expertise sur le contournement Nord d'Angers par l'autoroute A11 que vous avez adressé au directeur des routes le 4 octobre dernier.

Si vous me voyez réagir, c'est que je suis cité (annexe IV) comme membre de l'association Cactus. Or, si j'ai eu à connaître du tracé de ce contournement, c'est au même titre que Dominique Cyrot et Francis Lévy, à titre d'expert. L'association Cactus devant rencontrer les représentants désignés par le Conseil Général des Ponts avait souhaité que des personnes extérieures au débat local puissent juger de la situation et en parler à vos missi dominici.

A ce titre, l'ingénieur général Etienne, spécialiste des tunnels, Makan Rafadjou, urbaniste et moi-même avaient été approchés.

Pour être indépendant, je ne peux donc être membre de l'association Cactus, ni même obligatoirement soutenir ses solutions. Ce qui me paraît par contre évident, c'est qu'un projet aujourd'hui ne saurait être uniquement technique, s'agissant en l'occurrence de la plus grande opportunité urbanistique de l'agglomération d'Angers.

J'ai été, comme beaucoup de français, frappé par l'enquête d'opinion réalisée à l'occasion des deuxièmes journées de l'architecture organisées par le Ministère de la Culture. Nos concitoyens pensent aujourd'hui que la décision urbaine doit être prise en accord avec les habitants (27%) tout autant qu'avec les techniciens (41%). La baisse significative de la part d'autorité laissée à cette catégorie par rapport au dernier sondage et l'augmentation corrélative de la part des citoyens est un fait, que l'on peut analyser, déplorer ou même approuver, mais un fait de société, et une donnée démocratique.

Or, bien au-delà de l'inexactitude qui consiste à me compter parmi les adhérents de Cactus et qui se retrouve ça et là dans d'autres paragraphes, le rapport me paraît négliger cette donnée du problème : l'intrusion des citoyens dans un débat technique.

Personne ne met en cause la nécessité du contournement Nord d'Angers. Mais le tracé retenu - en dehors même des problèmes ou des nuisances qu'il engendre - met en jeu la réserve foncière d'Angers-Avrillé (300 hectares situés à 2,5 km du centre ville, Cf. page 7 du rapport).

Il faut donc trouver une réponse globale qui mesure tous les facteurs et d'abord les facteurs urbains, alors que l'orientation législative actuelle est au resserrement des urbanisations et à l'économie foncière et infrastructurelle qui en résulte.

Je crains donc que l'argumentaire avancé ne soit que routier et rejoigne par son étroitesse celui qui a prévalu dans les années 60 quand a été décidée la rocade urbaine (RN23) de la voie sur berge, justement dénoncée aujourd'hui par le rapport de vos experts.

On pourrait même, paradoxalement, affirmer que la revendication du tunnel est une réponse technique à une question qui aujourd'hui n'est posée que sur le plan routier et fait l'impasse sur l'aménagement futur ; or le tunnel, parce qu'il n'interfère pas avec le développement de surface répond, à première vue, à cette inquiétude.

Contrairement à ce qu'affirme le rapport des experts (page 10), il existe un programme et des principes d'aménagement de ces terrains datés de mars 99 qui portent sur 4650 logements, auquel est venu s'ajouter récemment un "parc végétal" décidé par le Conseil Général en juillet 2000, lié au site naturel de l'île Saint-Aubin.

La question à laquelle il faut répondre est de conjuguer les investissements d'un contournement de rocade, d'un programme immobilier très important et d'un parc naturel pour en cumuler les effets positifs.

Or, le tracé proposé, déclaré d'utilité publique le 30/04/1998 et qui repose sur des études de 1996 et plus anciennes, ne tient pas compte des décisions urbaines locales prises depuis ni même des orientations de la loi dite de solidarité urbaine. Ces problèmes sont cependant évoqués à la page 20, en y ajoutant le souhait d'y associer les habitants (voir ci-dessus).

Sans intervenir dans le débat technique entre les partisans du tunnel et de la tranchée ouverte et couverte, on peut tout de même constater que le rapport évite de traiter - outre celles de la cohérence urbanistique de l'agglomération - les questions suivantes : 
- traversée en remblais de la vallée du Brionneau et de son éco-système.
- voisinage de l'Abbaye de la Haye (monument classé) et de la maison de retraite voisine.
- destruction du stade de la cité du Verneau, une des cités fragiles de l'agglomération.
- destruction d'habitations sur le tracé retenu.
- maintien du statut de barreau autoroutier de la voie sur berge entre les deux autoroutes de fait qui vont contourner Angers et son agglomération (point évoqué et non traité en page 12 du rapport).

Je n'entrerai pas davantage dans le calcul du prix comparé des solutions, car les bases retenues ne me paraissent pas fondées. Comment croire que 300 mètres de tranchée couverte accessible coûteraient une vingtaine de millions de francs (soit moins de 3000 francs le mètre carré) et comment accepter des merlons de 410 mètres de développé en pleine zone urbaine et dans les continuités souhaitables de la cité Verneau, par la RN 162, vers les nouvelles terres à urbaniser ? On ne peut à la fois déplorer le statut de "zone" de certaines cités et les enclaver physiquement et symboliquement encore plus. La mixité n'est pas que sociale, elle est aussi celle des usages et des représentations.

Si je prends la peine de vous écrire cette lettre c'est que nous nous connaissons depuis longtemps ; vous avez occupé dans votre carrière à la Direction de la Construction, au Plan Construction, à l'Union des H.L.M. des fonctions qui n'étaient pas que routières ou techniques, si je suis architecte, mon engagement public (Plan Construction, E.N.P.C. ou plus récemment Commission Sueur : Politique de la Ville) est tout aussi constant que le vôtre.

Il me semblerait nécessaire - et c'est probablement difficile en période électorale - qu'une discussion plus sereine et plus constructive s'engage rapidement sur la totalité des questions en cause, sans méconnaître leurs conséquences économiques, juridiques, urbaines et politiques. Si cela peut vous paraître utile, je suis à votre disposition pour y participer.

Bien cordialement,

Paul Chemetov